L’art de l’insulte

Dans le dernier épisode de sa deuxième saison, le docteur Gregory House profère l’insulte de la décennie : « anti-semantic bastard ». La prochaine fois qu’un analphabète moderne1, parce que vous êtes soucieux de ce que les mots veulent dire, suggérera que vous êtes un emmerdeur, un coupeur de virgules en quatre, résumons-nous : un vil intello, traitez-le calmement de salopard antisémantique.

1. Publiciste, attaché de presse, cadre supérieur d’une entreprise agitatrice de culture — liste non close.


vendredi 1 février 2008 | Grappilles | 6 commentaires


Entrée des fantômes

B., cette femme admirable qui dépayse les cartes postales, m’adresse un mot rédigé au verso de deux photos anonymes de petit format datant du milieu des années quarante, dénichées dans une boutique au fond d’une caisse. Comme elle me connaît bien ! Je ne sais rien de plus émouvant que ce genre de trouvaille. Il y a quelques années j’ai acquis à la brocante un petit album photo à l’ancienne (format à l’italienne, reliure en cuir, pages en carton noir protégées par des feuillets de papier cristal) qui n’avait jamais servi. De retour chez moi, j’ai eu la surprise de découvrir entre les dernières pages une quinzaine de photos de famille, datées au verso de 1947.

La banalité même de ces clichés, leur touchante maladresse technique concourent à leur aura spectrale. Car bien sûr ces inconnus sont morts et oubliés depuis belle lurette, et ce sont d’anonymes fantômes que réveille notre contemplation.

J’ai une affection particulière pour ce promeneur magrittien déambulant dans une rue de Tournai.

Cependant, les très intrigantes photos que m’envoie B. ont quelque chose de plus, une étrangeté presque buñuelienne.


Ces gens mystérieusement penchés sur une fosse de la première photo – qu’est-ce qui attire ainsi leur curiosité ? – pourraient sortir d’une séquence de l’Âge d’or – n’y manque pas même le prêtre en soutane. Impossible devant la seconde, qui montre des hommes dormant tout habillés sur des matelas de fortune installés dans un salon bourgeois, de ne pas songer à l’Ange exterminateur. B. m’a précédé dans cette voie en proposant un effet de montage-collage onirique entre les deux images : ce que contemple avec un tel sérieux le groupe de la photo 1, ce sont les cadavres de la photo 2.

P.-S. : BC suggère pour sa part un rapprochement avec les expériences photographiques de Nougé. Bien vu.


vendredi 18 janvier 2008 | Grappilles | 2 commentaires


Poésie involontaire

En latin, le terme translatio apparaît initialement dans le sens de « changement », mais aussi de « transport », de passage d’argent d’une banque à une autre, de greffe botanique, de métaphore [1].

1. C’est toujours impressionnant de voir circuler en Grèce aujourd’hui d’énormes camions avec écrit metaphorà sur les côtés : il s’agit de camions de déménagement, comme chez nous les camions des déménageurs Gondrand.

Umberto Eco, Dire presque la même chose,
expériences de traduction
. Grasset, 2006.

Sans éprouver d’affection particulière pour les camions, combien font rêver ces poids lourds métaphoriques, objets dépaysants réalisant l’alliance inattendue du pachyderme et de la rhétorique ailée – et qui, du coup, deviennent eux-mêmes, comme par un effet de collage involontaire, une métaphore concrétisée. Il est sans doute excessif de convoquer Reverdy à ce propos, mais enfin on y a songé : «L’image… ne peut naître d’une comparaison, mais du rapprochement de deux réalités plus ou moins éloignées. Plus les rapports entre ces deux réalités seront lointains et justes, plus l’image sera forte. »

Sujet de rédaction : imaginez, un 1er juillet à Montréal, les convois de métaphores sillonnant la ville en tous sens.


mardi 15 janvier 2008 | Grappilles | 1 commentaire


Ça, c’est de la coquille

Il y a quelques jours, étant de passage à Nantes, au retour d’une excursion à Belle-Île, j’ai lu, dans un journal de Paris, que j’allais publier un livre formé de plusieurs nouvelles, dont une, la dernière, était intitulée « Rldasedlrad les dlcmhypbgf ».

Valery Larbaud, Jaune bleu blanc.

Pataquès mécanique, bien sûr. Mais là-dessus, Larbaud se met à rêver :

Évidemment, en m’attribuant un ouvrage intitulé Rldasedlrad les dlcmhypbgf, la linotype de ce journal avait voulu, ou bien se moquer de moi, ou bien me fournir un thème, me conseiller d’écrire sur un sujet qui lui tenait à coeur, et qu’elle avait essayé, en son langage de machine, de m’indiquer. Or, une linotype est une machine d’aspect trop sérieux pour qu’on puisse s’arrêter à l’hypothèse d’une plaisanterie. Qu’avait-elle donc voulu me dire, et quel sujet me demandait-elle de traiter ?

Et de tenter de décrypter ce que peut bien vouloir dire Rldasedlrad les dlcmhypbgf en mobilisant les ressources d’une étymologie de fantaisie ; et d’imaginer ce que pourrait raconter une nouvelle portant un titre pareil.


jeudi 13 décembre 2007 | Grappilles | 1 commentaire


Ubu vous parle


Le Monde, 9 novembre 2007


vendredi 9 novembre 2007 | Grappilles | 1 commentaire


Passage de Coltrane

LE JAZZ À LA CAMPAGNE
Il n’y a rien à mettre sous ce titre, sauf peut-être les plus beaux soirs d’été, la peur et le fruit, les heures blanches de décembre. Et Coltrane dans les terres, qui les effleure et les aggrave. Ce n’est qu’ici que la ville est réelle.

Pierre Peuchmaurd, Émail du monde. Atelier de l’agneau, 2000.

*

Les Américains déclinent leur nom de famille dès le premier contact. D’où cette brève de bar (j’étais à celui du Birdland – une pensée pour Charlie Parker – avec mon Hasselblad au cou), un musicien s’approche :
– Nice camera.
– Hasselblad.
– John Coltrane.

Corneille Hannoset, Voyages chroniques. Éditions Tandem, « Alentours », 1997.


photo : Chuck Stewart


lundi 24 septembre 2007 | Grappilles | 1 commentaire


Message d’outre-tombe


Le Monde, 30 juin 2007


samedi 30 juin 2007 | Grappilles | Aucun commentaire