Contributions au Dictionnaire de la bêtise

« Être prêt [pour la « révolution » du livre numérique], cela suppose bien sûr d’avoir des titres numérisés, mais également de travailler à leur enrichissement. Car de la même façon qu’un film en DVD est vendu avec des bonus, le roman, l’essai ou le document qu’on pourra lire demain sur tablette sera très certainement accompagné de contenus multimédias […]. Une façon de donner de la profondeur au livre et de développer le plaisir de la lecture » (Diane Wulweck, Le Monde 2, 18 novembre 2006).
C’est un fait que l’Éducation sentimentale ou Ulysse m’ont toujours paru manquer singulièrement de profondeur. Heureusement, le livre numérique va bientôt remédier à cette criante lacune. On vit une époque formidable.

« Sélection de nouveautés et de classiques high-tech ou la liste des courses pour Noël ! L’occasion de constater que le numérique est devenu le deuxième oxygène de notre quotidien » (Télé-Moustique, 2 décembre 2006, souligné par eux).


samedi 2 décembre 2006 | Grappilles | 1 commentaire


Une histoire d’O

Hommage de Willy à Cléo de Mérode :

Que deviendrait ton nom, Mérode, sans son o ?
Le mot qu’un général a dit à Waterloo.


lundi 25 septembre 2006 | Grappilles | Aucun commentaire


Du classement (encore)

Mardi soir, j’essaie un nouveau classement pour ma collection de disques ; je pratique ça souvent, en période de stress émotionnel. Vous trouvez peut-être que c’est une manière plutôt bête de passer la soirée, moi pas. C’est ma vie, j’aime pouvoir m’y promener, y plonger les bras, la toucher.

Quand Laura était là, je rangeais les disques par ordre alphabétique ; auparavant, je les rangeais par ordre chronologique, depuis Robert Johnson jusqu’à… je ne sais pas… Wham !, ou un truc africain, ou autre chose que j’étais en train d’écouter quand j’ai rencontré Laura. Mais ce soir je rêve d’autre chose, alors j’essaie de me souvenir de l’ordre dans lequel je les ai achetés : comme ça, j’espère écrire mon autobiographie sans papier ni stylo. Je sors les disques des étagères, les empile tout autour du salon, cherche Revolver, et je pars de là ; quand je suis arrivé au bout, je rougis tellement je me sens exposé, parce que cette série, après tout, c’est moi. Intéressant de voir comment je suis passé de Deep Purple à Howlin’ Wolf en vingt-cinq étapes seulement ; je n’ai plus honte d’avoir écouté Sexual Healing pendant toute une période de célibat forcé, ni d’une trace du club rock que j’avais formé à l’école pour discuter avec mes camarades de cinquième de Ziggy Stardust et de Tommy.

Ce qui me plaît le plus, dans mon nouveau système, c’est la sensation rassurante qu’il me procure ; grâce à lui, je me suis rendu complexe. J’ai environ deux mille disques, et il faut vraiment être moi […] pour savoir comment en retrouver un. Si je veux mettre, disons, Blue de Joni Mitchell, je dois me rappeler que je l’ai acheté pour une fille à l’automne 1983, mais que j’ai préféré le garder, pour des raisons que je passerai sous silence.

Nick Hornby, Haute Fidélité (10/18 n° 3056)


dimanche 17 septembre 2006 | Grappilles,Monomanies | Aucun commentaire


Pêle-mêle

Le soir, Clarisse couchée, sagement, avec un roman de M. Jules Mary pour m’attendre, je descends à minuit porter mes lettres à la poste. Vieille habitude : lorsque je ne suis pas sorti de la soirée, je vais entre minuit et une heure porter mes lettres à la poste, même lorsque je n’ai pas écrit de lettres. À cette heure-là, il me vient généralement quelques idées, je les note sur des bouts de papier en rentrant, et, le lendemain, j’égare les bouts de papier ; c’est ce que j’appelle ma méthode de travail.

*

Les goûts de Franz en ameublement se subordonnent nettement à une douce manie qui lui est chère, comme tous les bons esprits d’ailleurs : la manie de l’encombrement.
Franz ne l’avouerait peut-être pas, et il aurait tort, car l’encombrement procure à ses fervents des joies pures entre toutes. Ne pouvoir se procurer d’allumettes qu’en déplaçant deux tables, un fauteuil, trois vases, des gravures, une douzaine de livres d’amis, pas coupés (je parle des livres), jamais les profanes ne sauront jouir de cette âpre volupté ; n’atteindre son carnet d’adresses, dont on a si grand besoin tout de suite, qu’en faisant glisser sur le cartonnier les piles de journaux qui cachaient la machine à cigarettes, jamais les enragés de classification – âmes de philatélistes – ne comprendront ce que cela peut avoir d’ineffablement intime. L’encombrement ! Je n’ai pas dit le désordre ! Savoir où sont les choses, mais qu’elles gîtent en des endroits compliqués !

Jean de Tinan, Maîtresse d’esthètes (1897).


lundi 24 juillet 2006 | Grappilles | Aucun commentaire


Envoi


Dédicace de Musidora à Breton
(source : catalogue de la vente André Breton, avril 2003)


mardi 11 juillet 2006 | Grappilles | Aucun commentaire


Bibliomanie

Ainsi, j’ai rencontré beaucoup de maniaques, mais au moins un maniaque superbe, c’est Henri Parisot [1], le fétichiste de l’édition originale. Je l’ai vu acheter six fois de suite le même livre, et cinq fois le rapporter au libraire en disant, à la manière de Fernand Raynaud : «Il y a là comme un défaut.» Lorsqu’il avait définitivement acquis son exemplaire original et irréprochable, il l’enveloppait dans un papier cellophane. Il ne le recouvrait pas, il l’emballait complètement. Il le plaçait dans sa bibliothèque, mais il ne pouvait jamais le consulter, puisqu’il était complètement emmailloté. Aussi, je crois qu’il a eu pendant longtemps deux bibliothèques identiques, une « ouverte », et une « fermée », puisque enfin il adore la lecture.

Éric Losfeld, Endetté comme une mûle. Belfond, 1979.

1. Traducteur de Lewis Carroll et fondateur de la collection « L’Âge d’or ».




Araignées et chauve-souris

« Je ne regrette ni les films que j’ai faits ni ceux que je n’ai pas faits. L’essentiel est de tourner : ce qu’on n’a pu mettre dans un film se retrouve dans un autre. Mon seul regret est de ne pas tourner assez. » (Alain Resnais, 1977.) Ce qui ne nous empêche pas, à la lumière de Marienbad et de Providence, de rêver aux nombreux projets que Resnais n’a pu mener à bien : Fantômas, Mandrake, Harry Dickson… Filmographie imaginaire qui a irrigué souterrainement, comme en un réseau de labyrinthes communicants, les films effectivement réalisés.

Ma rêverie est relancée ce matin par un entretien avec Stan Lee, quatre-vingt-trois ans, créateur de Spider-Man, Daredevil, Hulk et X-Men.

Stan Lee : De l’Europe, je connais surtout… Paris. Le reste, non, malheureusement. J’avais un bon ami en France, que je vois peu depuis quelques années : Alain Resnais. Quand je l’ai rencontré dans les années 1960, il voulait que j’écrive un scénario pour son premier film américain. Nous sommes devenus amis et il est souvent venu habiter chez nous […]

Saviez-vous qu’à une certaine époque, il voulait réaliser une adaptation de Conan le barbare ?
S.L. : C’est vrai ? Vous aurez peut-être du mal à le croire, mais j’aurais aimé qu’il réalise une adaptation de Spider-Man. Mais je n’avais aucun pouvoir dans le milieu du cinéma et je n’ai rien pu faire pour pousser ce projet.

Télé-Moustique no 4191, 24 mai 2006.


vendredi 26 mai 2006 | Grappilles | Aucun commentaire