Trace de Paulhan


Rue des Arènes, à l’heure des fantômes
(photos garanties sans filtre)


jeudi 21 octobre 2010 | Pérégrinations | Aucun commentaire


Typo des villes (5) : effacements






Paris, IVe


mercredi 20 octobre 2010 | Typomanie | Aucun commentaire


Chambres



Paris, Hôtel Acacias, octobre 2010.


mardi 19 octobre 2010 | Chambres | 2 commentaires


Visages de l’ombre

Plus vif que le plaisir de recevoir par la poste un livre qu’on attendait, il y a celui d’en recevoir un qu’on n’attendait pas. C’est ainsi qu’est arrivé inopinément le nouveau numéro du Visage vert — joie, bonheur et félicité. Au sommaire : E.F. Benson, John Buchan, Paul Busson, Jean Des Roches, Paul Frank, Judith Gautier, Rhys Hughes, Cristián Vila Riquelme, Jessica Amanda Salmonson et Romain Verger — soit, comme toujours, des auteurs d’hier et d’aujourd’hui, des qu’on a lus, des qu’on ne connaît que de nom, et d’autres dont on ne soupçonnait même pas l’existence — et des titres qui font rêver : « la Fleur-serpent », « la Corne d’épouvante », « la Pierre qui fume », « la Femme qui avait épousé un phoque ». Avec, pour fil rouge, les présences cachées au sein de la nature : monstres marins, créatures préhumaines, végétaux assoiffés de vengeance, esprits menaçants des forêts, des lacs et des montagnes.

Ce sera mon prochain festin, dès que j’aurai fini les lectures en cours, le Cardinal Napellus de Gustav Meyrinck (FMR, « La Bibliothèque de Babel »), lequel me séduit bien davantage dans le format condensé de la nouvelle que dans ses romans proliférants ; et puis l’Angoisse de la première phrase de Bernard Quiriny (Phébus), le premier et peut-être le meilleur livre de son auteur, en tout cas mon préféré tant qu’à présent : comme dans les Contes carnivores qui ont suivi, on oscille entre Borges et Marcel Aymé, on croise à tous les coins de rue l’ubiquiste et protéiforme Pierre Gould, Bartleby littéraire qui est un peu le Pierre Ménard de Quiriny, et il y a une nouvelle en particulier, « la Ville à l’infini », que je suis atrocement jaloux de n’avoir pas écrite à la place de son auteur.


mercredi 13 octobre 2010 | Au fil des pages | 2 commentaires


Mots croisés à difficulté croissante

Toutes ces petites choses qu’on apprend en lisant des polars.

Quand il eut terminé de manger, il passa aux toilettes et, en ressortant, il pensa enfin à s’acheter le journal. USA Today coûtait soixante-quinze cents, il introduisit trois quarters mais il remarqua à ce moment-là que le distributeur voisin proposait le New York Times du jour. Il appuya sur le bouton « remboursement », récupéra ses pièces, en ajouta une quatrième et acheta le Times. Comme il regagnait sa voiture, il songeait déjà à la manière dont il attaquerait le journal. D’abord les actualités locales et nationales, ensuite le cahier « Sport » et enfin les mots croisés. Quel jour était-on, au fait ? Jeudi ? La difficulté de la grille augmentait de jour en jour, du lundi qui était à la portée d’un gamin de dix ans assez doué au samedi qui donnait souvent à Keller l’impression d’être légèrement retardé. Celle du jeudi était juste comme il faut. Il arrivait d’habitude à la terminer, mais ça lui demandait de la réflexion.

Il s’installa au volant, se mit à l’aise et entama sa lecture. Il n’arriva jamais aux mots croisés.

Lawrence Block, Keller en cavale.
Traduction de Frédéric Grellier, Seuil, 2010.


lundi 11 octobre 2010 | Grappilles | Aucun commentaire


Chambres


Retour à Forest, octobre 2010.


mardi 5 octobre 2010 | Chambres | Aucun commentaire


Hawks, Faulkner, Trauner et les autres au travail

Dans notre série « les livres qu’on a depuis vingt ans dans sa bibliothèque et qu’on se décide enfin à lire », Hollywood-sur-Nil se révèle à la hauteur de sa réputation. Il s’agit bien d’un des récits de tournage les plus drôles jamais écrits.

Peintre de formation, Noël Howard a débuté après la deuxième guerre comme décorateur de vitrines de grands magasins avant d’aboutir tout à fait par hasard dans le cinéma. Parfait bilingue, il fait la navette entre la France et les États-Unis, devient conseiller historique pour des productions situées dans un cadre français (depuis la Jeanne d’Arc de Victor Fleming jusqu’aux Trois Mousquetaires de George Sidney), puis assistant metteur en scène et réalisateur de seconde équipe. Hollywood-sur-Nil fait revivre une période charnière de l’histoire d’Hollywood. Grisé par les recettes records engrangées dans l’immédiat après-guerre, le système des studios l’ignore encore, mais il vit déjà la fin de son âge d’or, pour des raisons bien connues : lois anti-trusts obligeant les Majors à se défaire de leurs parcs de salles, chasse aux sorcières, et concurrence croissante de la télévision. Les studios contre-attaquent par une surenchère dans le bigger than life. C’est l’avènement du CinémaScope, et le retour en grâce des superproductions à grand déploiement situées dans l’Antiquité. C’est aussi le temps de la délocalisation des tournages en Europe, pour une double raison économique : les coûts de production y sont moins élevés, et les dépenses permettent d’amortir des capitaux désormais gelés sur place. Et c’est ainsi qu’un jour d’été sur une plage de la Côte d’Azur, après s’être fait indiquer la direction de l’Égypte, Howard Hawks déclare soudain à Noël Howard, le regard tourné vers la Méditerranée : « Noooël, je vais construire une pyramide. »

Pour comprendre comment l’idée initiale d’un film sur la construction d’un aéroport en Chine durant la guerre, motivée par une seule raison : tourner en CinémaScope (format que Hawks détestera pour finir, tout comme Lang1), s’est transformée en projet de fresque pharaonesque vendu en quelques heures à Jack Warner au bord d’une piscine, il faudra lire le récit chaleureux et spirituel de Noël Howard. On y trouvera de précieux portraits au naturel de Sydney Chaplin et surtout de Robert Capa, avec lesquels Howard menait à Paris une joyeuse vie de patachon. On y vivra quelques soirées très arrosées en compagnie du sympathique Gene Kelly et de sa bande. On y apprendra pourquoi il est plus avantageux d’être cascadeur qu’acteur à Hollywood. On y verra s’agiter des directeurs de production aussi colériques qu’incompétents. On y suivra l’astucieux Alexandre Trauner au travail. On y assistera au tournage d’une superproduction dans le chaos et l’impréparation la plus complète, pendant que le scénario s’écrit au jour le jour. On y mesurera la difficulté de diriger dix mille figurants dont on ne parle pas la langue, et plus encore quelques taureaux rétifs à toute instruction. On y croisera en coup de vent Hemingway, Jacques Prévert et l’extravagante Kay Kendall, qui eut le temps d’illuminer de son alliage unique de raffinement et de fibre clownesque les Girls de Cukor et le merveilleux The Reluctant Debutante de Minnelli (quand se décidera-t-on à rééditer ce petit bijou ?), avant d’être emportée par la leucémie à l’âge de trente-deux ans. On y verra surtout Howard Hawks, flegmatique et mythomane imperturbable, raconter des histoires à dormir debout dont il est toujours le héros, blinder ses nerfs au golf, user d’une élocution extraordinairement lente ponctuée de silences infinis comme d’une arme de négociation redoutable, retarder un voyage de quelques jours pour pouvoir voler en jet, perspective qui l’excite comme un gamin, et manquer pour une rare fois de perdre son sang-froid en apprenant de son conseiller historique qu’il n’y avait ni chevaux ni chameaux en Égypte au temps de la construction des pyramides : « Je vous propose un marché, j’abandonne les chevaux. Mais Noël, pour l’amour de Dieu, laissez-moi les chameaux ! »

 

1. Lang : « Le CinémaScope n’est bon qu’à filmer les enterrements et les serpents.»

Noël Howard, Hollywood-sur-Nil, Fayard, 1978, rééd. Ramsay Poche Cinéma, 1986, 2008.


samedi 2 octobre 2010 | Au fil des pages | 1 commentaire