Ce qu’ils lisent

27 mai
Bruxelles-Nord
– Passe un couple dans la salle des pas perdus. La fille, toute vêtue de noir, arbore un ouvrage en néerlandais consacré au scandale Fortis.
Aéroport de Zaventem
– Devant la porte d’embarquement B4, une dame tient en main Train de nuit pour Lisbonne de Pascal Mercier. Un jeune homme mal rasé en casquette emporte avec lui un trépied d’appareil-photo et Astérix chez les Belges.
Dans l’avion Bruxelles-Montréal
– Mon élégant voisin lit le Baiser de Qumran de Frédérique Jourdaa. Devant lui, une trentenaire plantureuse s’absorbe dans une biographie de Suzanne Valadon signée Michel Peyremaure, les Escaliers de Montmartre.

Montréal
28 mai
– Boulevard Saint-Laurent, au petit matin, un jeune homme longe le petit parc Lahaie en lisant bouche bée un Stephen King.

29 mai
– Entre deux averses diluviennes, une rousse en anorak vert s’est assise sur les marches d’escalier de la Bibliothèque du Plateau Mont-Royal pour lire Into the Wild de Jon Krakauer.

30 mai
– Place Gérald-Godin, un jeune homme en t-shirt orange promotionnel (« Gilson’s Auto Repair ») lit un Boris Vian à couverture rouge.

3 juin
– À l’heure de la pause de midi, plusieurs lecteurs sur les bancs publics de la place Ville-Marie : un lecteur de David Carso ; une lectrice de James Patterson, dont la voisine est plongée dans la Cité de jarre d’Arnaldur Indridason. Plus à l’écart, une dame assez déjetée extrait d’un de ses nombreux sacs plastique Aime, mange, prie d’Elizabeth Gilbert – tout un programme.
– Face à la Place des Arts, à la terrasse du Café Dépôt, un quinquagénaire ouvre la Petite Pièce en haut de l’escalier de Carole Fréchette.
– Deux brunes à lunettes sur le quai du métro Laurier. La première lit un volume de Che Guevara dans une collection de poche espagnole ; la seconde, d’allure plus sportive, Tentation de Stéphanie Meyer.
– Deux lectrices et trois lecteurs dans la rame qui descend vers Berri. Parmi ceux-ci, un jeune barbu plongé dans les Frères Karamazov.

4 juin
– Sur les bancs de pierre de la place Gérald-Godin, une jeune femme termine sa pause lunch en compagnie d’un gros thriller à couverture rouge et noir. Passe une blonde en tenue estivale, tenant en main la Femme en vert d’Indridason.
– Dans le métro, direction Côte-Vertu, un rouquin barbichu vêtu d’une chemise noire lignée s’initie au monde de la boxe amateur avec The Gloves: A Boxing Story de Robert Anasi.
Aéroport Dorval
– Dans la file du contrôle des passeports, une jeune brune aux sourcils nettement dessinés lit la Solitude des vainqueurs de Paolo Cuelho.
Dans l’avion Montréal-Bruxelles
– Un trentenaire savoure Jeeves dans la coulisse de P.G. Wodehouse, tandis qu’un homme mal rasé explore les Trois Royaumes de Louo Kouan-Tchong. Deux rangs plus loin, une dame reprend sa lecture de Princesse de Danielle Steele. Coucher de soleil mauve du plus bel effet sur la couverture.
– Derrière moi, une blonde s’est endormie sur l’épaule de son petit ami, qui lui tient la main. Posé sur sa tablette, The Diner d’Herman Koch.

5 juin
Dans le train Zaventem-Louvain
Une quadragénaire en chemisier bariolé annote au crayon Peruvians in Belgium, une publication de la faculté de sciences sociales de l’UCL.


samedi 6 juin 2009 | Ce qu'ils lisent | 5 commentaires


Chambres



rue Waverly (Montréal) encore et toujours, mai-juin 2009

La présence amicale du chat Le Charbonneur, les réveils triomphaux au son de John Coltrane ou d’un disque entêtant de Bonnie « Prince » Billy, The Letting Go, des livres rares traînant dans tous les coins : aucun doute, nous sommes de retour rue Waverly, où nous aurons vécu en direct les affres et les transes de la fabrication du Bathyscaphe n° 4, rêvé sur les superbes collages d’Alan Glass, surréaliste canadien établi de longue date au Mexique, frémi en découvrant les objets médusants d’Alexandre Fatta (reproduits dans une plaquette intitulée l’Œil liquide), et picoré dans l’excellente revue Stop Smiling : copieux numéro consacré au jazz, long entretien avec le regretté J.G. Ballard, etc.


samedi 6 juin 2009 | Chambres | 2 commentaires


Les temps difficiles

Il y a une vingtaine d’années, je me trouvais à Berlin, où les fortunes de l’existence m’avaient conduit. L’Allemagne traversait alors une crise économique, et moi aussi.

Henri Calet, Poussières de la route. Le Dilettante.


lundi 25 mai 2009 | Grappilles | 2 commentaires


Apocryphe dans le métro

« Zut ! j’ai loupé ma correspondance ! » (Madame de Sévigné.)

« Tout le monde descend ! » (Charles Darwin.)

Alexandre Breffort


mardi 19 mai 2009 | Grappilles | Aucun commentaire


Autre tour de force

Transmis par Charles Tatum que je remercie, un square poem généralement attribué à Lewis Carroll, qui peut se lire à l’horizontale aussi bien qu’en acrostiche.

En fouillant un peu pour en savoir plus, je suis tombé sur ceci :

« One of Carroll’s most remarkable poems, if indeed he wrote it, was first published by Trevor Wakefield in his Lewis Carroll Circular, N° 2 (November 1974). The poem is quoted in a letter to The Daily Express (January 1, 1964) by a writer who tells of a privately printed book titled Memoirs of Lady Ure. Lady Ure, it seems, quoted the square poem as one that Carroll wrote for her brother. Wakefield says that no one has yet located a copy of Lady Ure’s Memoirs, but whether this is still true, I do not know. » (Martin Gardner, The Universe in a Handkerchief. Lewis Carroll’s Mathematical Recreations, Games, Puzzles and Word Plays. Springer, 1996.)

La prudence de Gardner plaide pour son sérieux. Mais peut-être l’attribution à Carroll a-t-elle été depuis confirmée ou infirmée avec certitude ? Tout complément d’information sera bienvenu.




Zoologie


Valery Larbaud et l’hippopotame du jardin zoologique de Lisbonne (1926)


samedi 16 mai 2009 | Grappilles | 5 commentaires


Queneau-san

L’enveloppe est tombée dans la boîte aux lettres en faisant « floc ». Un livre, à l’évidence, mais pas celui que j’attendais ces jours-ci. J’ai déballé le papier cadeau, de plus en plus intrigué ; et j’ai ouvert des yeux tout ronds, j’en suis resté baba. Informés d’une de mes manies qu’ils ont déjà contribué à entretenir, G et S, de passage à Tokyo, ont eu la délicate attention d’y acquérir pour moi l’édition japonaise des Exercices de style. Exemplaire relié sous jaquette, impression en deux couleurs d’une extraordinaire finesse sur papier ivoire couché, avec deux planches hors-texte et quelques fantaisies typographiques, si discrètes qu’on ne les remarque qu’au second coup d’œil : une superbe réalisation éditoriale, d’une élégance parfaite. Et cet exemplaire, l’employé de la librairie Kinokuniya n’a pas manqué de l’envelopper avec soin sous une liseuse — suivant une habitude disparue ici mais qui a toujours cours là-bas. Mon fétichisme est comblé. Encore merci aux deux oiseaux voyageurs pour ce magnifique cadeau.


vendredi 15 mai 2009 | Monomanies | 5 commentaires