Dimanche en jazz

Free-bop anglais des années 1970 par un quartet où figurent deux ex de Soft Machine — histoire de rappeler combien, en ces grandes années du jazz britannique, étaient poreuses les frontières entre fusion, rock progressif et impro pure et dure. Je n’avais pas écouté ce disque depuis des lustres et c’est encore meilleur que dans mon souvenir. Sur quatre thèmes dont les meilleurs sont les deux premiers, Elton Dean (alto et saxello, qui est un petit saxophone soprano) et Alan Skidmore (ténor coltranisant) se lancent dans une blowing session énergique et sans apprêts, propulsés par une rythmique époustouflante (Chris Laurence et John Marshall). La prise de son très sèche donne l’impression que les gars ont enregistré dans leur sous-sol ou leur garage. Ça dépote, c’est parfait.

À écouter en priorité sur Tutube, Dr. Les Mosses, dont la grille harmonique est vraisemblablement dérivée d’Impressions de Coltrane.


dimanche 9 août 2015 | Dans les oneilles | Aucun commentaire


Hôtel-bibliothèque

Le Library Hotel de New York, situé sur Madison Avenue, aurait pu être imaginé par Georges Perec ou Vincent Puente. Non seulement il s’honore de posséder une collection de plus de six mille livres et une salle de lecture ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre ; mais il est ordonné suivant la classification décimale de Dewey. Chacun des dix étages de chambres est consacré à l’une des dix principales catégories de la CDD et chacune des soixante chambres est dédiée à un sujet particulier de cette catégorie. Suivant l’humeur, et à condition de pouvoir y mettre le prix, le voyageur pourra dormir environné de livres traitant d’architecture, de zoologie ou de langues orientales. Les couples coquins opteront pour la chambre 800.001, dévolue à la littérature érotique.





samedi 8 août 2015 | Bibliothèques | Aucun commentaire


Typo des villes (26)






Montréal


Londres, aéroport d’Heathrow


samedi 1 août 2015 | Typomanie | Aucun commentaire


Chambres


Montréal, rue Lajeunesse


Montréal, rue De Lorimier


vendredi 31 juillet 2015 | Chambres | Aucun commentaire


Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée

Énième vision de Désiré, jubilation intacte. Sur la finesse de la caractérisation et de l’observation sociale, les rapports entre maîtres et domestiques, le désir interdit, refoulé, qui ressurgit dans les rêves et les actes manqués, le masochisme de la condition de valet placidement constaté par l’intéressé (qui a pour singularité de tomber amoureux de toutes ses patronnes), le film n’a pas pris une ride. La mécanique du boulevard fait passer l’audace du propos, qui n’a, lui, rien de boulevardier.

Euphorisantes aussi, la vitesse d’exécution, l’intelligence de cinéaste avec laquelle Guitry transpose sa pièce à l’écran, loin des conventions d’usage à l’époque. Pas d’aération inutile, pas d’extérieurs pittoresques : nous ne quitterons pas les espaces clos de l’hôtel particulier de Paris et de la villa de Deauville. C’est de l’intérieur qu’est repensée l’économie de la pièce, par la science des entrées et des sorties de champ, le montage alterné mettant en parallèle le monde des maîtres et celui des domestiques, le recours ponctuel à des surimpressions, l’équilibre maintenu entre la dépense verbale (les deux grandes tirades époustouflantes de Désiré qui se répondent au premier et au troisième acte) et des gags purement visuels (par exemple, le numéro d’équilibriste de Désiré sur son échelle, ou encore le jeu muet de mimiques impayables de Guitry et Pauline Carton dans la cuisine).

Et puis, les portes. L’omniprésence des portes et des embrasures, qui fait de Désiré le plus lubitschien des films de Guitry. Portes qu’on entrebâille ou qu’on hésite à ouvrir, portes auxquelles on écoute ou d’où l’on surgit au moment le moins opportun, portes et corridors qui tout à la fois séparent l’espace des maîtres et celui des domestiques, et rythment la circulation des personnages entre ces deux espaces.


















samedi 4 juillet 2015 | Dans les mirettes | Aucun commentaire


Dimanche en jazz




dimanche 28 juin 2015 | Dans les oneilles | Aucun commentaire


L’espion qui venait des livres

Après John Buchan mais avant Eric Ambler, Somerset Maugham fut, avec Mr. Ashenden, agent secret (Ashenden, or the British Agent), le pionnier d’un certain type de récit d’espionnage à l’anglaise. Conformément à une tradition qui s’est maintenue jusqu’à John le Carré, lui-même avait tâté du métier et s’est inspiré de cette expérience pour composer ses nouvelles. Ashenden est un dramaturge à succès recruté durant la Première Guerre mondiale par les services anglais comme agent à Genève. Le monde du renseignement est cloisonné. Ashenden en saura chaque fois le moins possible sur les tenants et les aboutissants des missions qui lui sont confiées, et nous de même. Cet arrière-plan estompé concourt à la crédibilité des intrigues. Il indique aussi que l’intérêt littéraire de Maugham est ailleurs, moins dans la dramaturgie des situations que dans la peinture des personnages. Chaque nouvelle du recueil s’articule autour de la rencontre d’Ashenden avec un protagoniste souvent excentrique : une vieille gouvernante à l’accoutrement impossible, un tueur mexicain hâbleur et bavard, une danseuse italienne, l’épouse d’un traître, et ainsi de suite. L’humour côtoie la tragédie, la chute est souvent terrible. Maugham vous fait sourire avant de vous laisser un goût de cendre dans la bouche.

L’autre intérêt du livre est évidemment qu’Ashenden est un écrivain. Il est même suggéré qu’Ashenden est un bon espion parce qu’il est un écrivain : soit un être doué d’imagination, d’empathie et de pénétration psychologique, qui conserve toujours le recul de l’observateur vis-à-vis de la comédie humaine comme de la realpolitik de ses employeurs. C’est ce qui donne leur sel aux conversations qui l’opposent à ce non-littéraire absolu qu’est son supérieur, le colonel R (dont on dit qu’il inspira peut-être le M d’Ian Fleming) : militaire borné, compétent, terre-à-terre, totalement dépourvu de second degré et conséquemment scandalisé lorsque Ashenden fait valoir, en écrivain soucieux de comprendre tous ses personnages, que l’« ennemi » peut avoir, lui aussi, ses raisons (notamment lorsqu’il est un Indien soumis au joug de l’Empire britannique). Par moments on jurerait que, sous le sujet apparent de leurs échanges, se cache un débat latent dont l’objet est la littérature et son pouvoir de dévoilement de la complexité du monde.


samedi 27 juin 2015 | Au fil des pages | Aucun commentaire