Nice, Hôtel Félix.
Le vieux Toulon aux venelles étroites abandonnées à leur décrépitude. On ne résiste jamais à la magie des passages, ces couloirs parallèles qui suggèrent l’existence d’une cité secrète doublant celle que nous arpentons.
En 1959, Jean Cocteau tourne son dernier film, le Testament d’Orphée ou Ne me demandez pas pourquoi, dans les impressionnantes et monumentales carrières de calcaire des Baux-de-Provence. Guest stars : Picasso, Jacqueline Roque, Yul Brynner, Lucia Bosé, Jean Marais, François Périer, María Casares, Daniel Gélin, Jean-Pierre Léaud, Charles Aznavour, Françoise Arnoul, Claudine Auger, etc.
On a trouvé, soldé dans la boutique du lieu, un album de photos de tournage de Lucien Clergue légendées à la main par Cocteau (Actes Sud, 2003).
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Chez Franquin, il y a toujours un détail qu’on ne remarque qu’à la vingtième relecture. Par exemple, ce dictionnaire faisant l’objet d’un gag de Gaston, mais oui ! C’est le Littré de Pauvert.
Franquin, le Gang des gaffeurs, Dupuis, 1974.
« Il y a plus de quarante ans, Claudio Parmiggiani (né en 1943 en Italie) a inventé un procédé qu’il a baptisé delocazione. Le principe est le suivant : l’artiste crée une installation — dans le cas présent, une bibliothèque — dans un espace auquel il met le feu. Une fois la combustion terminée, il retire les livres. Les traces de fumée et de suie révèlent alors les silhouettes épargnées en négatif, c’est-à-dire l’empreinte ou le souvenir de ce qui a disparu. »
L’œuvre ci-dessus (6,40 x 2,40 m) occupe jusqu’au 22 septembre un vaste pan de mur du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, à l’entrée de la belle exposition Giorgio Morandi dont Parmiggiani fréquenta l’atelier dans les années 1960. Les deux autres, ci-dessous, ont été piochées sur le net.
On retombe, dans l’excellente petite anthologie de Michel Nuridsany Précieux et Libertins 1, sur deux rondeaux délicieux et discrètement virtuoses de Vincent Voiture (1597-1648). Le rondeau, tel quel codifié par Clément Marot, compte treize vers construits sur deux rimes, l’incipit du poème revenant à deux reprises comme un refrain (dit aussi « rentrement »). Finesse supplémentaire chez Voiture : le sens du syntagme initial se trouve subtilement modifié lorsqu’il revient sous forme de refrain. Le premier des deux rondeaux est en outre un exemple remarquablement précoce de texte autoréférentiel, qui liquide par avance bien des pesants exercices textuels qui seront en vogue trois siècles plus tard (le poème qui parle du poème, le texte qui s’écrit sous vos yeux en vous disant qu’il est en train de le faire).
Ma foi, c’est fait de moi : car Isabeau
M’a conjuré de lui faire un rondeau.
Cela me met en une peine extrême.
Quoi ! Treize vers, huit en eau, cinq en ème !
Je lui ferais aussitôt un bateau.En voilà cinq pourtant en un monceau.
Faisons en huit, en invoquant Brodeau,
Et puis mettons par quelque stratagème :
Ma foi, c’est fait.
Si je pouvais encor de mon cerveau
Tirer cinq vers, l’ouvrage serait beau.
Mais cependant, je suis dedans l’onzième,
Et si je crois que je fais le douzième,
En voilà treize ajustés au niveau :
Ma foi, c’est fait !
Ou vous savez tromper bien finement,
Ou vous m’aimez assez fidèlement :
Lequel des deux, je ne saurais le dire ;
Mais cependant je pleure et je soupire,
Et ne reçois aucun soulagement.Pour votre amour j’ai quitté franchement
Ce que j’avais acquis bien sûrement :
Car on m’aimait, et j’avais quelque empire
Où vous savez.
Je n’attends pas tout le consentement
Qu’on peut donner aux peines d’un amant,
Et qui pourrait me tirer du martyre :
À si grand bien mon courage n’aspire :
Mais laissez-moi vous toucher seulement
Où vous savez.
Né à Amiens, fils d’un marchand de vin, Voiture enchanta son temps par son brillant esprit, son art de la conversation, son talent à improviser « des poèmes sur tous les événements de la vie mondaine, même les plus minimes. […] Sa poésie légère, badine, raffinée, impertinente, manifeste soif de liberté, goût du jeu et distance ironique vis-à-vis d’elle-même qui caractérisent la société qu’il fréquente. À son époque sa renommée est immense et même le grand La Fontaine proclame hautement ce qu’il lui doit. » (Michel Nuridsany.)
1 La Différence, « Orphée », 1990.
Portrait de Voiture par Philippe de Champaigne. Musée des Beaux-Arts de Clermont-Ferrand.