En le voyant dans la vitrine d’une librairie d’occasion, je suis entré pour le racheter. C’est un petit livre que je relis souvent, que j’aime offrir – l’un des plus beaux qu’ait inspiré l’amitié, avec le Verger de Harry Mathews et Amitié, la dernière retouche d’Ernst Lubitsch de Samson Raphaelson.
Roger Tailleur est mort brusquement en 1985, des suites d’une leucémie aiguë. Il avait cinquante-huit ans. On ne sait pas assez qu’il fut l’un des meilleurs critiques de cinéma de sa génération. (Actes Sud a publié en 1997 un choix de ses articles, parus pour l’essentiel dans Positif. L’intelligence et l’érudition l’y disputent à l’alacrité.)
En 1968, Tailleur posa la plume, cessa de voir des films, revendit sa bibliothèque de cinéma et ne se consacra plus qu’à sa nouvelle passion : l’Italie.
Il entreprit de l’explorer région par région, province par province. Il mettait des mois à préparer ses itinéraires. Il détestait l’imprévu… Il mit à découvrir l’Italie le même acharnement, la même inépuisable érudition, le même souci du détail, le même bonheur enfin qu’il éprouvait, critique de cinéma, à tout savoir et tout retenir de la filmographie d’Henry King ou d’Humphrey Bogart.
Pour conjurer la disparition brutale de son ami, Frédéric Vitoux a écrit dans les mois qui suivirent sa mort ce récit qui est un petit chef-d’oeuvre d’émotion retenue. Il l’y fait si bien revivre qu’on a l’impression d’avoir nous aussi connu cet homme solitaire et secret, méthodique jusqu’à la manie, qui avait tourné le dos à son époque pour habiter un monde, un temps à lui, et avait élevé au rang des beaux-arts la collection – et la rédaction – de cartes postales ; son humour irrésistible, ses enthousiasmes et ses emportements, son merveilleux rire. Impossible désormais de penser à l’Italie sans penser à lui.
Frédéric VITOUX, Il me semble désormais que Roger est en Italie. Actes Sud, 1986. Rééd. Babel n° 335, 55 p.
Roger TAILLEUR, Viv(r)e le cinéma. Actes Sud/Institut Lumière, 1997, 474 p.
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