Du classement (encore)

Mardi soir, j’essaie un nouveau classement pour ma collection de disques ; je pratique ça souvent, en période de stress émotionnel. Vous trouvez peut-être que c’est une manière plutôt bête de passer la soirée, moi pas. C’est ma vie, j’aime pouvoir m’y promener, y plonger les bras, la toucher.

Quand Laura était là, je rangeais les disques par ordre alphabétique ; auparavant, je les rangeais par ordre chronologique, depuis Robert Johnson jusqu’à… je ne sais pas… Wham !, ou un truc africain, ou autre chose que j’étais en train d’écouter quand j’ai rencontré Laura. Mais ce soir je rêve d’autre chose, alors j’essaie de me souvenir de l’ordre dans lequel je les ai achetés : comme ça, j’espère écrire mon autobiographie sans papier ni stylo. Je sors les disques des étagères, les empile tout autour du salon, cherche Revolver, et je pars de là ; quand je suis arrivé au bout, je rougis tellement je me sens exposé, parce que cette série, après tout, c’est moi. Intéressant de voir comment je suis passé de Deep Purple à Howlin’ Wolf en vingt-cinq étapes seulement ; je n’ai plus honte d’avoir écouté Sexual Healing pendant toute une période de célibat forcé, ni d’une trace du club rock que j’avais formé à l’école pour discuter avec mes camarades de cinquième de Ziggy Stardust et de Tommy.

Ce qui me plaît le plus, dans mon nouveau système, c’est la sensation rassurante qu’il me procure ; grâce à lui, je me suis rendu complexe. J’ai environ deux mille disques, et il faut vraiment être moi […] pour savoir comment en retrouver un. Si je veux mettre, disons, Blue de Joni Mitchell, je dois me rappeler que je l’ai acheté pour une fille à l’automne 1983, mais que j’ai préféré le garder, pour des raisons que je passerai sous silence.

Nick Hornby, Haute Fidélité (10/18 n° 3056)


dimanche 17 septembre 2006 | Grappilles,Monomanies | Aucun commentaire


La fée verte

— Ah ! cette vache de téléphoniste ! ronchonna-t-il.
— T’énerve pas, dit Williams, elles écoutent toujours quand elles croient qu’on n’en a pas envie. Qu’est-ce qui ne va pas avec Simmons?
Crane le lui expliqua et avala une bonne gorgée de bourbon parfumé à l’absinthe.
— Tu f’rais mieux d’faire gaffe, lui conseilla Williams, ça va te foutre par terre, un mélange pareil !
— C’est bien ce que je cherche.
— Que vas-tu faire avec Simmons ?
Après avoir versé de l’absinthe dans le verre qu’il venait de vider, Crane y ajouta une quantité égale de whisky. Il en résulta un mélange vert poison dont il expérimenta une gorgée, puis il ajouta un morceau de glace.
— Quel est le meilleur à ton avis ? demanda-t-il ; le bourbon additionné d’absinthe, ou l’absinthe additionnée de bourbon ?
— Écoute, est-ce que tu comptes lâcher l’affaire ?
Crane avala une nouvelle rasade, en laissant le morceau de glace lui chatouiller le nez.
— Le vert est plus artistique, mais le brun fait plus masculin. (Il vit qu’il avait du mal à fixer les yeux sur Williams.) Lâcher ? Lâcher ? (Il se leva, une main entre les boutons de sa chemise, dans une attitude napoléonienne.) Le soleil ne se couche jamais sur William Crane.

Jonathan Latimer, Comme la romaine ! (Série noire n° 89).


dimanche 20 août 2006 | Le coin du Captain Cap | Aucun commentaire


Cartes postales

En vacances dans le Bourbonnais, D.A. m’envoie une carte postale :

Ah ! Vivement un val ombreux
Afin qu’y reposer je puisse
Mon pauvre séant douloureux
Car à vélo le plus scabreux
Ce n’est ni le rein ni la cuisse
Mais ce qui est entre les deux…

À quoi je réponds tout à trac :

Qu’au vélo, désormais, ton fondement meurtri
Préfère le cheval : à cheval, les culs rient !


mercredi 16 août 2006 | Les loisirs de la poste | Aucun commentaire


Chambres imaginaires

À Lisbonne un dimanche après-midi, vous descendez au Rato. Un peu plus haut, derrière l’aqueduc dont les arches sont comme une entrée dérobée donnant sur un autre monde, le petit square ombragé d’Amoreiras est un retrait secret à l’écart du temps et de l’animation urbaine. Les oiseaux se baignent dans la fontaine – les pigeons prennent littéralement leur douche sous le jet d’eau -, des enfants jouent. Sur les bancs, un couple d’amoureux, un lecteur solitaire, des vieilles dames qui papotent. Vous entrez au Musée Arpad Szenes-Vieira da Silva, un petit musée comme vous les aimez, discret, lumineux et peu fréquenté – en tout cas le dimanche. Il y a là, vous le découvrez en entrant, une exposition temporaire d’un peintre que vous ne connaissez pas, Nikias Skapinakis. Coup de foudre.

L’exposition s’intitule Quartos imaginários. Skapinakis a eu l’idée merveilleuse de représenter les chambres imaginaires de peintres et d’écrivains : Cézanne, Gauguin, Van Gogh, Klee, Schiele, Chagall, Matisse, Picasso, Ernst, Chirico, Morandi, Frida Kahlo, Louise Bourgeois, Cavafy, Pessoa,… Les toiles, de format identique, présentent des intérieurs souvent dénudés, avec un point de vue frontal, une perspective en raccourci et des tons sourds en larges aplats. L’univers de chaque créateur est suggéré au moyen d’un subtil réseau d’allusions. La chambre de Chirico reprend la composition d’un Intérieur métaphysique, avec au centre un échafaudage chiriquien librement réinterprété, observé depuis la gauche par André Breton dont le visage se découpe dans le cadre d’une fenêtre (élément qui provient, lui, d’une toile de Max Ernst, la Vierge corrigeant l’enfant Jésus). La peinture se fait recueillement, cosa mentale, et si chaque toile retient l’attention, leur réunion dans une salle décuple leur pouvoir d’évocation.


La chambre de Frida Kahlo


dimanche 30 juillet 2006 | Chambres,Pérégrinations | Aucun commentaire


Typo des villes (1)




Lisbonne


samedi 29 juillet 2006 | Typomanie | Aucun commentaire


À l’affiche


Lisbonne, juillet 2006


samedi 29 juillet 2006 | Pérégrinations | Aucun commentaire


Chambres


Lisbonne, Hôtel Borges, juillet 2006


Louvain-la-Neuve, juillet 2006


samedi 29 juillet 2006 | Chambres | Aucun commentaire